Fleurs, 2020-2022

Tirage sur papier Platine
80 x 60 cm, édition de 3 + 2AP
48,65 x 36,5, édition de 5 + 2AP

Cette série Fleurs a été initiée pendant le confinement à Paris, entre février et mai 2020 dans mon atelier du Bateau-Lavoir à Montmartre.
Portraitiste, pendant cette crise sanitaire je ne pouvais plus photographier les êtres, les commandes et les projets se sont subitement arrêtés. J’ai donc dû reconsidérer mon approche photographique et me suis alors tourné vers la photographie de « nature morte »

Je me suis mis à photographier les fleurs, et à l’instar de mes précédentes séries, à étudier l’espace, la perspective, la lumière, les couleurs sans retouche de postproduction. La couleur sculptait l’espace, la liberté n‘était plus dehors, j‘essayais de la retrouver dans l‘atelier, dans le cadre de l‘appareil photo.

J’ai simplement imaginé que j’étais au théâtre, et que je découvrais sur la scène d’une pièce imaginaire des fleurs disposées dans le décor.

Même ces fleurs sont devenues pendant le premier confinement des denrées rares puisque les fleuristes étaient fermés mais étaient toujours prêts à me livrer, moi qui ne demandais qu’une chose, travailler ! Ces fleurs évoquent cette rage, cette énergie de tous ces personnes qui privées de leur activité ont tout fait pour continuer. Elle se sont battues n’ayant aucune idée de l’avenir.

Puis petit à petit, en continuant cette série, je me suis mis à disposer autour des bouquets des petits objets trouvés dans la maison de mon père décédé quelques années auparavant, et des objets de mon enfance : des plaques de verre reproduisant des photographies de scènes pornographiques du début du XIXe siècle servant à commercialiser sous le manteau l'érotisme à Paris, des figurines, des modèles réduits, des objets touristiques...Ces natures mortes sont devenues des autoportraits.

Par rapport à la notion traditionnelle de la photographie, ces objets "sans valeur" ou de "circulation courante" sont plutôt radicaux, et si ce n’est radicaux au moins différents. En photographiant ces « restes », ces objets peu couteux, souvent triviaux pour le spectateur, j’ai pensé que je pouvais justement diffuser ou normaliser cette « radicalité ». La photographie, les boitiers, les tirages, le papier, tout ça est traditionnel dans le genre de la « grande photographie». Ces petites voitures, ces reproductions sur verre, ces figurines ou produits folkloriques sont des formes éphémères et rapides de la consommation. J’avais besoin de soutenir cette vulgarité de l’objet par un genre photographique confirmé de la grande tradition photographique et picturale : la nature morte.

« Le genre pictural de la nature morte a une longue histoire et les choix de Christophe Beauregard déposent la ''vie tranquille'' des objets dans des espaces resserrés. Ses photographies de natures mortes relèvent d'agencements subtils, au bord du gouffre, mais encore pénétrées de vitalité, de désir. Ces images, mises en scènes méditées, rompent avec les instantanés de la photographie. Elles absorbent néanmoins comme eux des miroirs, des histoires, des intériorités. Et bien sûr, dans les éléments qui accompagnent le bouquet, figurent histoires intimes, souvenirs d'enfance et d'adolescence. Les images numériques, de par leurs formats, créent des rencontres oniriques, des associations. Et la question de la prise de vue d’un détail, l’usage de la gélatine, des stories sur Instagram, des captures d’écran (Richard Prince, New Portraits) suscitent des mises en abyme, dans le chantier ouvert par les réorientations de Christophe Beauregard. Comment rendre l’espace tridimensionnel, la sensation, à travers les images numériques ? Dans le travail de Christophe Beauregard, ce « sac de famille » énigmatique, plein d’objets paternels, de jouets, de réminiscences, de choses en attente, opacifie le miroir aux alouettes. Les jeux de reflets génèrent un trouble salutaire. Alors, le mythe de Narcisse se perd dans la matière. » Hélène Sirven, critique d’art

Fleurs. Prix catalogue

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